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Marguerite Yourcenar, Sous bénéfice d’inventaire, Paris, Gallimard, 1962, 271 p. (Essais rédigés entre 1939 et 1975)

Sous bénéfice d'inventaire

- Paris, Gallimard, 1978, 232 p. (augmentée d’un essai sur Selma Lagerlöf). - Paris, Gallimard, Essais et Mémoires, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1991, pp.3-194.

Ce recueil contient 7 essais : « Les visages de l’Histoire dans l’Histoire Auguste », « Les tragiques d’Agrippa d’Aubigné », « Ah, mon beau château », « Le cerveau noir de Piranèse », « Selma Lagerlöf, conteuse épique », « Présentation critique de Constantin Cavafy », et « Humanisme et hermétisme chez Thomas Mann ». Certains d’entre eux furent des commandes : Ah, mon beau château, sur le château de Chenonceaux ou l’essai sur Piranèse ou sur Thomas Mann), d’autres sont surgis de passions personnelles, comme l’essai sur Lagerlöf ou sur l’Histoire Auguste.

Pas d'adaptation connue

Matthieu Galey - Tous vos ouvrages sont en général composés avec un soin très minutieux, mais quel lien existe-t-il entre les essais qui forment Sous bénéfice d'inventaire? Marguerite Yourcenar - Aucun, sauf mon intérêt particulier pour ces sujets-là. Cavafy et Selma Lagerlöf, ce sont deux grands écrivains, voilà tout. Quant aux veuves de Chenonceaux, et aux gravures de Piranèse, ce sont des morceaux de vie, dans un temps donné. C'est la vie qui les relie. (…) MG - Il y a un autre danger, c'est de s'identifier au sujet. Chez Thomas Mann, vous avez retrouvé des idées qui vous sont chères — en particulier sa façon de s'inscrire dans l'univers — et bien des choses que vous dites sur lui pourraient s'appliquer à vous. MY - Jusqu'à un certain point seulement. D'innombrables éléments de la personnalité de Mann me déplaisent. J'ai découvert cet écrivain assez tard et j'ai naturellement été éblouie de constater que, parti de vues très différentes, nous avions des méthodes de travail assez proches. Mais certaines des astuces de Mann et certaines de ses hantises me sont étrangères, de même que les méthodes, comme d'ailleurs la sensibilité de Cavafy, diffèrent aussi beaucoup des miennes. MG - Etes-vous sûre qu'il n’y a aucune autosuggestion dans votre conception de l'oeuvre de Thomas Mann? MY - Sûre, comment l'affirmer? Je l'ai vu sous mon angle à moi, mais c'est vrai pour tous ceux que l'on étudie. Ce ne l'est pas davantage pour Thomas Mann que pour Selma Lagerlöf ou Piranèse. Chez chacun, on perçoit qu'il y a un noyau dur, chaque fois différent. Chez Selma Lagerlöf, c'est l'épopée, le conte épique, par exemple. Pour Mann, c'est plus difficile à définir : peut-être la volonté de comprendre l'univers à travers une sensibilité très allemande. (in Les Yeux ouverts, Le Centurion, 1980, pp. 195-196).

Traductions : Allemand (extraits), Anglais, Bulgare (extraits), Chinois, Espagnol , Grec, Hongrois (extraits), Italien, Néerlandais, Portugais, Roumain.

Premier paragraphe :

1. LES VISAGES DE L’HISTOIRE DANS L’HISTOIRE AUGUSTE Si, de toutes les histoires qu’a enregistrées la mémoire humaine, celle de Rome a fait réfléchir le plus de philosophes, rêver le plus de poètes et déclamer le plus de moralistes, c’est en partie grâce au génie d’un petit nombre d’historiens romains (et d’une couple d’historiens grecs) qui ont puissamment contribué à prolonger jusqu’à nous le souvenir et le prestige de Rome.

2. LES TRAGIQUES D’AGRIPPA D’AUBIGNÉ Agrippa d’Aubigné, l’un des plus grands, mais aussi des moins lus, parmi les poètes de la Renaissance française, naquit près de Pons en Saintonge en 1552, et mourut à Genève en 1630. Il sortait d’une de ces familles de moindre noblesse qui plus que toutes les autres ont fourni à la France quelques spécimens d’un type assez rare chez nous : celui de l’écrivain réfractaire, placé à contre-courant de son siècle, hanté par la chimère d’une honnêteté sans compromis et d’une loyauté sans faille, ayant partie liée avec une cause persécutée ou perdue.

3. AH, MON BEAU CHÂTEAU Il y a des châteaux-Nymphes, indolemment couchés au bord des eaux courantes ; il y a des châteaux-Narcisse dédoublés dans l’eau plate des douves, captifs des jeux de reflet qui mettent au bas du mur de pierre une fluide muraille qui tremble. Chenonceaux appartient à la fois à ces deux catégories. Plus petit que la plupart des châteaux royaux de la Loire, doucement clos dans le paysage idyllique d’un recoin de Touraine, il n’évoque pas, comme Amboise ou Blois, ses grands voisins, le souvenir de moments décisifs de l’histoire de France.

4. LE CERVEAU NOIR DE PIRANESE « Le cerveau noir de Piranèse… », dit quelque part Victor Hugo. L’homme à qui appartenait ce cerveau naquit en 1720 d’une de ces familles vénitiennes chez lesquelles cohabitaient harmonieusement la vie artisanale, les belles professions, et l’Eglise. Son père, tailleur de pierre, son oncle Matteo Lucchesi, ingénieur et architecte, auprès duquel le jeune Giovanni Battista acquit les rudiments des connaissances techniques qui ont plus tard sous-tendu son œuvre, son frère Angelo, chartreux, qui lui enseigna l’histoire romaine, ont contribué à former les divers aspects de son avenir d’artiste.

5. SELMA LAGERLÖF, CONTEUSE ÉPIQUE Il y a peu de romanciers de génie ; les romancières de génie sont, certes, encore plus rares. Les grandes poétesses, peu nombreuses, le sont néanmoins assez pour qu’on puisse former d’elles tout un bouquet, mais un grand roman présuppose un libre regard porté sur la vie que la coutume sociale, jusqu’ici, n’a guère permis aux femmes ; il suppose aussi, dans les meilleurs cas, un luxe de puissance créatrice que les femmes semblent avoir rarement eue, ou du moins pu manifester, et qui ne s’est donné jusqu’à présent libre cours que dans la maternité physiologique.

6. PRÉSENTATION CRITIQUE DE CONSTANTIN CAVAFY Cavafy est l’un des poètes les plus célèbres de la Grèce moderne ; c’est aussi l’un des plus grands, le plus subtil en tout cas, le plus neuf peut-être, le plus nourri pourtant de l’inépuisable substance du passé. Des parents grecs, originaires de Constantinople, il naquit en 1863 à Alexandrie d’Egypte. Il y occupa longtemps un poste d’employé, puis de chef de bureau, au ministère de l’Irrigation ; il fut aussi courtier à la Bourse d’Alexandrie. Il mourut dans cette ville en 1933.

7. HUMANISME ET HERMÉTISME CHEZ THOMAS MANN L’œuvre de Thomas Mann se situe dans la catégorie très rare du classique moderne, c’est-à-dire de l’œuvre encore récente et point du tout indiscutée, mais au contraire sans cesse reprise, rejugée, examinée sur toutes ses faces et à tous ses niveaux, digne de servir à la fois de pierre de touche et d’aliment. De telles œuvres nous émeuvent, à la cinquième lecture, pour des raisons différentes de celles qui nous les firent aimer à la première, ou même opposées à celles-ci. L’atmosphère de dépaysement et presque d’exotisme que respire un lecteur français qui aborde pour la première fois Les Buddenbrooks, dissipée du fait de l’habitude, ou d’une plus intime connaissance de l’Allemagne, laisse à nu le document humain, le drame de l’homme aux prises avec les forces familiales ou sociales qui l’ont construit et qui peu à peu vont le détruire.

Réception critique : Le livre refermé ne nous aura pas toujours également requis. Mais nous aurons beaucoup appris ; de vastes pans d’histoire se seront éclairés. Comment ne pas préférer aux tristes romans d’aujourd’hui ce genre d’ouvrages dont la lecture, du moins, ne nous fait pas perdre notre temps ? (Pierre de Boisdeffre, Le livre de la semaine, Les Nouvelles Littéraires, n° 1844, 3 janvier 1963, p. 2.) Le lecteur cultivé – celui que le roman lasse et que l’intelligence détend – trouvera dans ce recueil d’essais de Marguerite Yourcenar le plus nourrissant et le plus raffiné des régals. (Jacqueline Piatier, Une classique moderne, « Sous bénéfice d’inventaire » de Marguerite Yourcenar, Le Monde, 19 janvier 1963, p. 8.) D’autres articles disponibles dans la base de données documentaire.

Articles ou livres de références :
- Christiane BAROCHE, Sous Bénéfice d'inventaire ou le jeu de Lachesis, in Sud, n° 55, 1984, pp. 78-87. CRANE Virginia, The dark brain of Piranesi and other essays, Magill's literary annual - 1985. Vol. 1, pp. 152-156.
- Lucien GUISSARD, Marguerite Yourcenar traductrice et historienne, in La Croix, 13-14/10/1979.
- Jan FONTIJN, Een tekort aan persoonlijke betrokkenheid. Degelijke essays van Marguerite Yourcenar, Vrij Nederland, Boekenbijlage, 19/12/1987, bl. 5.

D’autres articles disponibles dans la base de données documentaire.

 

 

 

 


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