Marguerite Yourcenar, Lettres à ses amis et quelques autres, nrf, Paris, Gallimard, 1995, 715 p.
Cette toute première anthologie de lettres de Marguerite Yourcenar permet de mesurer la force de son engagement au monde et réserve bien des surprises posthumes. Journal intermittent, la correspondance accomplit ici ses trois fonctions essentielles : accompagner la femme hors de l'œuvre, accompagner l'auteur dans son œuvre, faire œuvre. Autoportrait au quotidien ou exercice de connaissance de soi, les Lettres à ses amis et quelques autres content l'intimité de l'exilée de Mount Desert Island, ou de la voyageuse qui fait "le tour de la prison", depuis la dernière lettre enfantine jusqu'au mois qui précède la mort. Courroie de transmission entre la femme de chair et la femme de plume, ces lettres ne décevront pas ceux qui s'intéressent avant tout aux secrets de fabrication, aux coulisses de des œuvres. Elles réveilleront chez les lecteurs de Marguerite Yourcenar d'anciens plaisirs de lecture, renouvelés par un genre littéraire où ils ne la connaissent pas encore mais où ils la reconnaîtront.
Traduction : Néerlandais
Réception critique : « Cette correspondance qui nous la restitue dans son quotidien de « bonne dame de Petite Plaisance », en lui traçant des limites, lui rend son pesant d’humanité, et permet à l’altière Marguerite de Crayencour de revendiquer son droit à l’erreur, à l’équivoque, voire à la banalité. (…) A cet espace de confidentialité qu’est la lettre, lieu de partage et d’intimité, où les incidents les plus infimes ont le même statut que les analyses littéraires ou philosophiques les plus sophistiquées, équivalent d’une conversation où, au dire de ses amis, elle excellait, la Yourcenar de L’Œuvre au Noir ou même des Essais et mémoires, ne nous avait pas habitués. On ne lui est que plus reconnaissant, en attendant la publication de correspondances entrecroisées, de nous avoir ménagé cette surprise posthume. » (Préface, p. 25.)