Les Animaux
Impossible d’évoquer les proches de Marguerite Yourcenar sans consacrer un chapitre à ses compagnons les plus fidèles : ses chiens. Dans un petit carnet qui avait appartenu à la sœur de son père, morte accidentellement à quinze ans, Yourcenar a rédigé un petit texte intitulé « Des chiens que j’aimais » : « Trier, Stop (le meilleur, que j’ai trahi en laissant mourir seul), K.K.Haï, Nellie, Peter ; Inki, Loki, Kalopidi, Teddy, Karl von…, (ceux-là n’étaient pas à moi, mais je les ai aimés comme miens), Myrrha, que je m’en voudrai toujours de ne pas avoir arraché à un mauvais maître, et qui le jour de mon départ de Fayence a suivi la voiture jusqu’à l’épuisement. Pardon, Myrrha. »
Trier
Son premier chien fut Trier, hérité de sa mère qui l’acquit à Trèves, en Allemagne, lors de son voyages « d’accordailles » avec Michel de Crayencour. Trier accompagna son enfance au Mont-Noir et fut relégué dans les écuries par la grand-mère Noémie. Atteint de la maladie du dos caractéristique des bassets, il dut être tué par le cocher lorsque la petite fille avait sept ans. Elle culpabilisa longtemps pour n’avoir pas entendu le coup de feu qui abattit ce premier compagnon et en garda rancune envers les adultes qui lui avaient caché leurs intentions, la privant d’un dernier contact avec l’animal. Il faut ajouter qu’au Mont-Noir, les contacts avec les animaux sont ceux des milieux campagnards pour qui l’animal est utile ou nuisible. La violence exercée contre cette espèce a effrayé la jeune Marguerite qui assistait, non seulement à des séances de chasse pénibles, mais aussi à des méthodes violentes pour éliminer les animaux jugés nuisibles. Elle fut ainsi obsédée par une chatte affolée après la noyade de ses petits dans une mare du Mont-Noir et que son demi-frère abattit d’un coup de fusil, au point d’en rêver de manière récurrente. Elle luttera, sa vie durant (et même au-delà) contre toute forme de violence envers les animaux.
Kou-Kou-Haï
Parmi les chiens qui furent ses compagnons, il faut citer le pékinois Kou-Kou-Haï auquel elle consacra un texte « Suite d’estampes pour Kou Kou Haï » paru dans Le Manuscrit autographe dans les années 30.
Monsieur
Acquis en 1955, l’épagneul « Monsieur » sera le compagnon de dix années. Ayant été l’hôte de Petite Plaisance, il jouit de sa tombe au fond du jardin. La phrase qui l’agrémente est de Shakespeare : « And still, my spaniel sleeps » (« et pendant ce temps mon épagneul dort ») qui évoque l’indifférence du chien aux événements familiaux. Il accompagna l’auteur durant ses voyages en Europe et intervient dans plusieurs écrits.
Valentine
Le cocker Valentine, nommée ainsi car elle fut acquise le jour de la Saint-Valentin, succède à Monsieur. Sa tombe porte un vers de Ronsard : « portant un gentil cœur dedans un petit corps ». Sa fin, en 1971, fut tragique pour Yourcenar. Elle avait traversé l’avenue où se trouve Petite Plaisance et appelé le chien pour qu’il la rejoigne : il traversa et se fit écraser par une voiture ! Yourcenar en fut si bouleversée qu’elle écrivit un « Tombeau de Valentine » racontant l’événement et qu’elle termine par les mots : « Tout un univers basculé, comme pour un être humain ». Cinq ans plus tard, elle écrira encore : « Je ne me consolerai jamais de cette petite et immense mort ».
Zoé
Zoé (« la vie ») succédera à Valentine et vivra 14 années, de 1971 à 1985. Il eut également droit à sa pierre tombale au fond du jardin.
Fou-Kou
Fou Kou (« bonheur » en japonais), succède à Zoé. C’est un caniche noir, dont le nom est sans doute lié à la présence de Jerry Wilson dans la vie de l’écrivain. Au décès de Marguerite Yourcenar, survenu en décembre 1987, c’est sa secrétaire, Jane E. Lunt, qui héritera de Fou-Kou.
Et les autres...
Yourcenar sera sensible au sort de tous les animaux. Elle s’habitua, ainsi, à la présence d’un écureuil qui présentait des rayures dans le pelage faisant penser à celles du gilet du maître d’hôtel du Mont-Noir et que Yourcenar nomma, dès lors, Joseph. Son engagement en faveur de la protection des animaux et des démunis, de la nature et de l’écologie furent précoces et se poursuivent au-delà de son décès, par volonté testamentaire.